1997 Le Lavoir à Mauprévoir

 

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Spectacle de plein air et de plein jour. Nous sommes sollicités sur plusieurs sites, pour une reprise du “Lavoir”. C’est à Mauprévoir que nous jetons notre dévolu, autour du petit lavoir de campagne de la Roche. Le Comité des Fêtes de Mauprévoir devient notre partenaire. Jean-Michel Clément le maire et la municipalité nous donne carte blanche et nous y reçoit chaleureusement. 

Autour du Lavoir,  à Quéaux,  cette première création théâtrale a rempli pleinement ses objectifs. Elle nous permet de continuer d’oser ailleurs, là où le théâtre ne se fait peut-être pas et là, au-devant des gens qui ne viendraient peut-être pas. Elle nous ouvre la possibilité de rencontrer et partager un même projet avec des personnes engagées dans des associations ou groupes d’ailleurs.

La commune restaure les petits murets attenants au lavoir. Il est dégagé de ses ronces et nettoyé de ses herbes aquatiques qui l’envahissent.

M1 M2 M3 Le lavoir de la Roche est à la croisée de chemins, tout en contrebas, au fond de la vallée. C’est une pièce d’eau creusée naturellement remplie et renouvelée par l’eau pure et claire d’une source fontaine protégée par un ouvrage en pierres.

Le trop plein s’écoule dans le petit ruisseau  sinuant dans la vallée en direction du clocher du village de Mauprévoir.  Autour, des parcelles de prairies sont séparées d’épais buissons. Sur le côté, un grand mur délimite le jardin de la ferme. Des chênes ombrent le lavoir et bordent les chemins. D’autres arbres ici et là équilibrent un beau paysage champêtre.

Je vois dans ce lieu défiler des tableaux à la Monet, Millet ou Corot. Je veux me servir du naturalisme offert, un de ce ceux que l’on côtoie souvent dans nos belles campagnes, mais dont nous ne voyons même plus les couleurs, pour  y révéler des rapports et sensations associés aux éléments ambiants du moment ! un peu comme l’impressionnisme sait le faire avec. Une légère brise… le ciel est bleu le soleil brûlant, les femmes transpirent en lavant frottant et rinçant leur linge… leurs hommes sont aux champs…

M6 M7-1 M8 M9-1 M10-1 M11-1Pendant vingt siècles, le théâtre s’est joué de jour en plein air”  ;  ici, les représentations théâtrales auront lieu en plein jour.

Même s’il est plus important que dans le théâtre et l’opéra, le décor naturel du “Lavoir” de Quéaux,  la nuit, est révélé et limité par les éclairages ci ou là qui focalisent le spectateur sur l’action et le jeu.

En pleine journée, il n’en est rien. Le champ de vision du spectateur est  illimité.  La mise en scène doit travailler sur tous les plans. Du chemin qui fuit au loin et disparaît comme à l’infini, aux prairies où l’on est tenté de gambader, les buissons et arbres bruissants au vent, et cette eau qui coule, qui rafraîchit et amuse… C’est  un décor pastoral que la nature a dessiné…  Il ne m’est jamais arrivé d’être confronté à un tel réalisme. Alors, imaginez ce que pouvait donner ce tableau vivant des laveuses, jupons et jupes amples et colorées, volant au vent ou retroussées jusqu’à la taille pour laver les pieds dans l’eau !  On dit que la réalité dépasse bien souvent la fiction, il en est ainsi… Tout est allé bien au delà de ce que nous imaginions ! Le décor s’animait…

M12-1 M13-1 M15-1 M16 M17 M18Le chien du village aux premiers jours aboyant de loin à notre venue, s’est  peu à peu enhardi à nous côtoyer de plus en plus près. Vite, il nous accompagnait, n’oubliant pas, à chaque représentation de lever la patte sur la brouette de la mère Julienne ! Vrai !

Puis, les poules de la ferme qui venaient boire à la source du lavoir, s’étaient éloignées au début de nos répétitions. Elles se sont rapprochées, de plus en plus près jusqu’à venir picorer dans nos jambes les miettes de la pause casse croûte des laveuses  caquetant et s’abreuvant indifférentes.

M19 M20-1 M21-1 M22 M23-1 M24Nous allions de surprises en surprises lorsque chantant à tue tête, les laveuses entendaient en écho les grenouilles des fossés et du ruisseau qui répondaient en croassant.

Les moutons qui paissaient dans le pré voisin, venaient peu à peu chaque fois à quelques mètres nous regarder. Dans un autre pré,  l’âne de temps en temps « brayait ». Le vent même faible, dans les peupliers, bruissait une légère musique, le grillon chantait… les oiseaux gazouillaient…

M29 M28Le silence des spectateurs, la justesse des propos faisaient vivre ce lieu pleinement, nous n’avions plus l’habitude d’entendre de cette vie là entre les animaux qui nous côtoyaient et la nature qui bougeait et se faisait entendre. Je vous jure, au début, je croyais que le technicien Félix  avait ajouté des sons au spectacle !

M27 M30On ne pouvait imaginer voir tableau plus bucolique se dérouler avec ces paroles de femmes chantant, s’apostrophant jusqu’à s’injurier, gueuler leur chagrin, leurs malheurs, leurs joies exprimant un profond désir de vivre et d’être heureuses chacune à leur façon. Elles nous faisaient vivre toute l’idéologie d’une époque.

La municipalité a installé les gradins, les habitants du village ont veillé à toute l’organisation, nous étions prêts.

X FinLe public est venu très nombreux,  beaucoup en plus des gradins, étaient assis un peu partout. Les matinées de représentation étaient données sous un soleil brûlant. Des ombrelles chapeaux de paille, en papier et éventails coloraient  les gradins, chapeaux et châles protégeaient les laveuses. Pendant que les comédiennes frottaient transpirant autant d’eau qu’elles en buvaient à la fontaine, les  spectateurs se désaltéraient de bouteilles d’eau qui circulaient en continuité dans les gradins

Nous avons rempli notre contrat à Mauprévoir, l’accueil des habitants est un merveilleux souvenir. Plus tard, ils ont organisé un repas et une grande fête pour nous retrouver, ils avaient aussi préparé un belle exposition photographique sur cette aventure partagée avec tout le village.  Nous avons promis que nous reviendrons !

M32: Marie Gilbert jouait ici au milieu de ce groupe de femmes joyeuses et épanouies son dernier rôle. Le 20 février 2012, elle est partie subitement. D’un regard, d’un sourire, chaque fois que je la rencontrais,  nous nous ressouvenions !

Elle a retrouvé nos amis au jardin de notre souvenir.

1996 : Je laisse le bâtiment, de formateur au Centre Professionnel des Adultes du Vigeant, à l’animateur culturel à la Communauté de commune du Montmorillonnais, j’entre avec l’équipe du Centre Dramatique Poitou-Charentes dans l’aventure “Printemps-Chapiteau”.  Et, jusqu’en 2009, partant de ce premier projet à Quéaux, je vais cheminer, allant de projet en projet, d’équipe en équipe, de village en village, au gré des conjonctures, coïncidences ou hasard.  Chaque projet  à la croisée des chemins des amoureux du théâtre, me fera avec bonheur faire de très belles rencontres et  retrouver des partenaires d’aventures passées à L’Isle Jourdain et ailleurs.

 Cette même année de reprise du « Lavoir », je médite, imagine et ébauche une possible nouvelle création.

Photos : Jean-Jacques Godfroid  – Michel Mourasse