2000 – 2006 Scènes ouvertes Centre Dramatique Poitou-Charentes

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  2000-2001-2002-2003-2004-2005  Mise en scène de vingt-deux « Scènes ouvertes » en Région Poitou-Charentes, avec le Chapiteau et l’Équipe du « Centre Dramatique Poitou-Charentes »

J’ai fait atterrir sur cette belle cette scène circulaire, l’espace d’une soirée,  dans chacune des 22 scènes ouvertes travaillées pendant les mois qui précédaient, quelques 2300 comédiens, musiciens, choristes, handicapés et artistes, amateurs de tout genres.

 

Comme je vous l’ai longuement retracé dans l’année 1999, notre périple nomade de culture en milieu rural portée par le spectacle « Ah Dieu, que la guerre est jolie », sous le chapiteau du CDPC a été une expédition, extrêmement bien reçue par les publics spectateurs et acteurs locaux rencontrés.

Un élément a été aussi très important dans cette réussite. C’est le montage du chapiteau, son démontage et la vie engendrée par toutes les personnes intérieures et extérieures de cette « odyssée, » autour de ce lieu témoin, de l’utopie et du rêve conjugué, de retour comme d’antan, sur la place du village. Notre itinérance s’appuyait sur l’aide et la participation des gens qui nous accueillaient, grands autres moments où, par dizaines jeunes et moins jeunes, hommes femmes et enfants, étaient présents, avec masse, pioches, marteau et surtout porteurs, porteuse d’élément lourds et moins lourds… le contact s’établissait d’emblée avec les techniciens et comédiens présents… une famille se constituait.

 

Le Centre Dramatique qui vient d’acquérir le bel outil artistique qu’est le chapiteau, décide de puiser de notre aventure en 1999 le mode d’emploi qui va lui permettre de réaliser à l’échelle cette fois de la Région Poitou-Charentes son projet des 10 années à venir « Le Printemps Chapiteau »

 

Co-Directeurs du CDPC, Claire Lasne et Laurent Darcueil à l’automne 1999 me convoquent à un rendez-vous.

Je n’avais pas la moindre idée de l’objet de cette rencontre après notre aventure de l’été passée sous leur chapiteau.

Ce moment là, fait partie de ceux qui dans une vie vous marquent d’une croix blanche. Je me revois bien assis en face de Mr et Md les co-directeurs du CDPC, situation très conventionnelle, qui me fait bien me caler dans mon siège, mais j’y entrevois quelque chose de pas trop juste, pas trop naturel, comme une petite, oui, petite mise en scène !

En duo, comme accordés, ils m’annoncent avec un sérieux je dirais… officiel : Laurent avec sa voix de basse se voulant grave et Claire grand regard fixe, puissant, désarmant, intimidant posé sur moi en rajoutant… là, j’ai trouvé la comédienne un peu en flagrant délit de surjeux ! Donc, sérieux ils m’annoncent dare-dare :

 

Jean Marie, on va te piquer ton projet d’itinérance !!!  Toujours les yeux dans les yeux, guettant ma réaction !

Est-ce du lard ou du cochon pensais-je ?

Je répond décontenancé, car je ne voyais aucune gravité dans leur demande, sinon être flatté que notre projet soit convoité à ce point et à ce niveau (Le CDPC Poitou-Charentes, Imaginez !)

Ah bon ! avec un sourire moitié crédule-moitié incrédule !

Oui dit Laurent, on va te piquer ton projet, le même projet, mais destiné et porté à l’échelle de la Région Poitou-Charentes cette fois.

Ce n’est pas tout ! me dit Claire. Toujours avec sérieux et gravité :

On veut que tu continues ton aventure sous le chapiteau avec nous ! Nous l’appelleront : « Le Printemps Chapiteau » !

Laurent : Et on t’embauche dans l’équipe du CDPC à partir de demain !!!!!!!!!!!!!!!!!!! Là, je crois que nous avons chacun alors tombé le masque, explosés de rire, moi de cette inimaginable proposition, Claire et Laurent de leur plaisir je crois de me voir avec eux m’engager dans leur aventure.

 

Voilà, cela s’est passé comme ça, le plus officiellement et simplement du monde, c’était aussi beau qu’une demande en mariage. Nous avons ensuite trinqué, je crois que Sylvie était présente et peut-être Cécile !

Souvenez-vous, dans mes récits combien de fois, la chance a croisé mon chemin. Le carnet de bord de mes aventures théâtrales ne va pas s’interrompre ici, bien au contraire, les pages vont y être de plus en plus denses, mon livre reste ouvert comme un conte et il en sera ainsi jusqu’à la fin… (du livre)

Mon rôle est déjà établi, pendant les 8 mois qui précéderont la venue du chapiteau je vais partir en campagne dans la Région Poitou-Charentes sur les secteurs, villes et villages d’accueils élus, afin d’y préparer la venue des comédiens du CDPC. Je vais participer à informer et sensibiliser à ce projet un maximum d’habitants. Sur chaque étape, je porte la mise en œuvre d’un des moments évènementiels sous le Chapiteau : « La Scène Ouverte. »

 

Mes premiers interlocuteurs sont d’abord : rencontres déterminantes et totalement influentes, les élus locaux. Ce sont eux, les premiers engagés sur ce projet culturel, ils y croient et vont mettre tous les moyens nécessaires à la bonne conduite de l’événement. On peut déblatérer et dire ce que l’on veut sur nos élus, mais ce n’est pas de la démagogie pour moi de vous dire que ces élus rencontrés, se sont tous engagés avec l’envie de faire partager à leur concitoyens un moment de culture populaire comme un bien nécessaire à la vie, voir à la survie d’une société et de l’individu. Ils ont été exemplaires, je le dis absolument comme je l’ai vécu.

Puis, je sollicite et rencontre les responsables associatifs, les animateurs culturels, les artistes locaux, les écoles et collèges, les centres d’animations, les centres sociaux, centres  d’adaptation, centres de rééducation, IME, CAT… les troupes de théâtres, les acteurs de toutes les disciplines artistiques : la danse, le chant choral ou les solistes, les artistes plasticiens, les peintres, les décorateurs, tagueurs… les sportifs, les historiens, les humoristes et les auteurs…

Du matin au soir, je parcours la Région, en long et en large, faisant des kms et des kms, d’un rendez-vous à l’autre, d’une rencontre à l’autre et d’une répétition à l’autre pratiquement chaque soir de la semaine et du week-end, aujourd’hui à Taugon en Charente-Maritime, le lendemain à Montemboeuf et le troisième jour à Sainte Néomaye ou Romagne ? et recommencer à Taugon, Montemboeuf …etc

 

C’était généralement la recommandation et le soutien en premier des élus qui me font entrouvrir les portes de la rencontre. Imaginez, il n’est pas si simple que cela d’aller frapper chez les gens, un peintre, un danseur, un sculpteur, un chanteur, des comédiens, une école un centre etc… et d’obtenir un moment d’écoute, de rencontre, le rendez-vous quoi ! Pour la plupart, les premiers avaient lieu au bistrot du coin ! Moi qui toute ma vie détestais ces lieux ! pourquoi ? je ne saurai vous le dire !  Je ne vous dis pas combien de cafés je buvais par jour… Rares étaient les invitations chez l’habitant, il y avait une défiance qu’il me fallait le plus rapidement possible éliminer même si je représentais l’étiquette CDPC qui soit, était trop prestigieuse pour certains initiés ou soit, inconnue donc suspecte pour les autres… Dans notre société vouloir aller chez l’autre pour lui donner…  C’est suspect !

Les portes des maisons, des ateliers, des écoles, des centres, se sont ouvertes, grandes ouvertes. Des milliers de personnes m’ont accueillies avec de belles, généreuses, surprenantes étonnantes et grandes collaborations et participations qui se sont concrétisées sous le Chapiteau ces 6 années successives.

 

Dans chaque spectacle en finalité se produisaient entre  80 participants, c’était là vraiment le minimum, jusqu’à 200 personnes y participant physiquement . Une Soirée fleuve diront certains ! non sans raisons !  car la durée minimum n’était pas moins de 3 heures elle pouvait durer jusqu’à facilement 4 heures et peut-être plus !!!…

Ce moment évènementiel « La Scène Ouverte ». chaque soirée s’annonçait pacifiquement, parfaitement planifiée, orchestrée afin que chacun de ces acteurs,  joue sereinement et majestueusement dans les meilleures conditions leurs partitions.

Le chalenge était d’emboiter dans une même histoire écrite pour de 80 à 200 personnages :

Sur une scène qu’il ne connaissait pas !

Sans répétition générale sur le lieu du spectacle, de plus circulaire, avec un public tout proche !

Faire cohabiter, se rencontrer, jouer ensemble toutes ces personnes qui ne se connaissaient pas le moins du monde ?

Adapter et créer les techniques lumière et son sans l’ombre d’une répétition ou  conduites techniques les jours précédents, tout est vécu en direct.

Mettre l’équipe du CDPC dans la logistique chaque soirée au bord de la crise de nerf ! tendue, dépassée, effarée, par le nombre d’acteurs, de spectateurs et toujours en limite pour la sécurité…

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Alors zappez dans ma boîte d’outils, pêle-mêle d’impressions, d’objectifs et de mode d’emploi…  pour comprendre  ce que c’est « la Scène Ouverte » au « Printemps de 2000 à 2005.

Utopie – J’essaye simplement de faire se côtoyer, se rapprocher, dialoguer, se découvrir, se comprendre toutes les disciplines artistiques et tisser le lien qui conjugue toutes les formes dans un moment unique de représentation publique. C’est créer un moment d’émotion, celui du théâtre de la vie, créer (le mot est prétentieux ! ) participer à une dynamique de groupe en milieu rural…

Prestidigitation –  Comme par magie je fais se dérouler un spectacle comme s’il avait été préparé, rôdé longtemps à l’avance, travaillant le mélange des genres, alternant des séquences graves avec des séquence humoristiques

Idéal  – Je cherche comment faciliter la rencontre avec l’autre lui aussi passionné.  Le temps des ateliers de la préparation des répétitions devient l’opportunité du dialogue, de la découverte et de l’échange et pour cela, je m’applique à découvrir leurs démarches, à connaître ou presque tous les prénoms de ces personnes, que je fais travailler dans l’atelier du Week-end et du soir en semaine.

-J’exerce les futurs comédiens à jouer sous le chapiteau, la scène est une piste de cirque, de danse, de jeux, un théâtre en rond, le spectateur est dans la proximité le comédien est dans l’intime.

– J’expérimente avec chaque groupe choral l’interprétation appris par cœur de un ou plusieurs chants de leur répertoire, c’est pour chaque personnes une sensibilisation au jeu théâtral et au rapport au public.

-Je fouille le répertoire du théâtre amateur, je donne aux interprètes qui s’y prêtent des clés de travail, j’évoque l’intérêt et la nécessité de rigueur du travail à l’appui d’une scène de leur répertoire, d’un écrit de leur veine sur le thème du spectacle  ou  d’un auteur que je les emmène à découvrir.

 

Imaginaire – Je hasarde et risque la combinaison des expressions artistiques les plus diverses, la sculpture se veut évolutive, mobile dans l’espace au rythme du violon ou du djembé, la peinture s’élève sous le chapiteau comme Man’s ce peintre harnaché suspendu au milieu de toiles géantes qu’il colorise avec des bombes acrylique… en même temps sous lui se déploient un ballet de danseuses, et des musiciens… jusqu’au moment où le chapiteau peut-être pas insuffisamment ventilé, mais surtout par mon inconséquence, j’aperçois le public des gradins hauts pris de malaises comme shouter des vapeurs de peintures…

J’exhibe des sportifs, faisant découvrir la plastique de leur discipline avec encore des artistes chanteurs musiciens, acrobates ou prestidigitateurs.

 

Réalité – J’aborde le plus librement possible la relation avec tout les publics handicapés ou en grande difficulté. Importants étaient dans les soirées, ces moments plus ou moins brefs mais intenses que j’ai travaillés avec des équipes d éducateurs, des metteurs en scène  fortement engagés, comme à L’IME de Villaine (Deux Sèvres), la Maison d’Accueil Spécialisée de Vouillé (Vienne), La résidence des Côtes de  Saint Claud, le Centre Sociaux Médical de Confolens avec Alain Servan…  Partout ! les autres artistes impliqués dans cette performance, le public présent, la musique, le texte, l’image et le chant s’y sont révélés des outils magiques, les bons instruments à mettre au service de l’épanouissement, de l’expression et de la communication des différences et des différents.

 

Il était intéressant de découvrir et faire travailler un bon soliste, un instrumentiste,  faire aussi dans ces spectacle la part belle au patois, avec Suzane Bontems, les collégiens de Mazière en Gâtine, des textes écrits pour la circonstance… en lien avec le fil conducteur ou le thème donné à la soirée. Aider dans les collèges ces profs qui engagent généreusement leur temps à l’initiation du théâtre dans des ateliers avec leurs élèves, comme à Cozes, Mazière en Gâtine, Montemboeuf travaillant sur un thème écrivant et brassant ces jeunes qui sont heureux d’avoir comme objectif de se produire sous le chapiteau devant un public prestigieux.

 

Faire chanter, danser tous les acteurs de la performance dans un final qui les réunis tous… qui donne tout son sens au mot rencontre comme dans un songe, dans ce huit clos circulaire avec pour même point commun : L’envie.

C’est un euphémisme si je vous dis avoir une part d’utopie dans ma démarche que je ne voulais pas remettre en cause. Mon étiquette de rassembleur, animateur enfoui dans la masse populaire avec son militantisme d’outre temps, je le voyais bien, quelques fois importunait, questionnait, ébranlait, contrariait, déséquilibrait, empoisonnait, emmerdait, perturbait, troublait… heureusement pour quelques uns seulement. Je sentais bien aussi, que coûte que coûte j’allais à l’encontre de mes commanditaires, mais ils me laissaient gentiment agir ainsi. Ils étaient pour un sélectif maitrisé, qualitatif, j’étais dans l’ouverture à tout va ! Pour preuve, j’allais, c’est très sérieux ce que j’écris, jusqu’à imaginer voir tout le public  (300 spectateurs) être acteur dans cette soirée !  Oui, nous étions proches certains soir de ce mirage et cela pouvait être incompris ! Avec des années de recul, je ne changerais pas une ligne de ce programme !

 

Escamotage – Je supprime ici et vous épargne la lecture d’un long chapitre que j’avais à cœur de vous exposer. « Un écrit sur la phobie sécuritaire  appliquée au monde du spectacle ». (Je précise car dans les 30 premières années de ma carrière, c’était dans le monde du bâtiment). Pour résumer, cette sécurité, s’applique à des petits espaces et lieux sécurisés au même titre que dans d’immenses salles modernes qui offrent des dangers insoupçonnés face à un incident de même nature que dans le premier… Deux poids, deux mesures dans notre société, aujourd’hui, plus qu’hier, on ne fait plus confiance à l’individu et à son bon sens, on le déresponsabilise ! J’ai peur pour la génération qui suit, tous les blocages que cette situation et ces règlements vont engendrer !

Les soirées « Scène Ouverte » faisaient le plein de public alors que les spectacle du CDPC, réels évènements de l’itinérance, travaillés avec le plus grand professionnalisme remplissaient des fois trop justement la salle.

Le film qui suit est de Thomas Sillard  

(Pour visionner le film, cliquez sur le lien suivant)Capture d’écran 2016-02-28 à 11.56.12      Par les villages on Vimeo

Pendant 10 ans, avec une équipe d’une trentaine de personnes, j’ai participé à l’aventure du Printemps-Chapiteau. Nous avons sillonné la campagne montant notre chapiteau avec les habitants des villages pour amener le théâtre là ou il n’allait pas. Ce film témoigne de l’aventure d’une équipe technique et artistique au service d’une utopie théâtrale, emplie de rencontres humaines et artistiques, « Par les villages ».  Thomas Sillard

Des liens très justes et forts se sont tissés sur les territoires avec des comédiens professionnels du CDPC, des techniciens et les organisateurs jusqu’à devenir des référents, des parrains dirais-je en quelque sorte. Je pense à Gérard, Dominique, Arlette, Alain, Claire, Richard, Jojo, Sylvain, Anne, Thierry, Thomas, Dada, Vincent, Cécile…   ils ont sans qu’il leur soit dit, demandé, eu le réflexe de la transmission, la générosité du regard, du don, la gentillesse innée… ils ont partout où ils sont passés, retrouvés une équipe sur une création, pour d’autres fait un suivi de leur projet, jeté un regard généreux sur leur création, aussi, sont allé les voir en spectateurs, nul peut imaginer la trace qu’ils laissent l’aide moral, la validité du oser faire, leur passage se teinte d’une emprunte indélébile…  dans le temps…

Je me rappelle ces premières années d’itinérance où revenant de Sainte Néomaye, Laurent le co-directeur me faisait part des soucis du CDPC, combat, justification auprès des ministères et de la région pour faire reconnaître et admettre ce type de projet qui ramenait la culture sur le terrain, auprès des gens. J’espérais que ce projet enthousiasmant, reconnu désormais autour de Claire Lasne-Darcueil devienne avec le temps, l’expérience et son vécu référent, modèle… Là aussi, le décalage entre la perception, l’envie, la nécessité que l’on approuve et les moyens que l’on se donne pour mettre ces projets en actions s’étiole, et fond comme beurre au soleil… Aujourd’hui, c’est à pleurer, le chapiteau a disparu sans vergogne de nos villages, remplacé, bien sur, par des projets nous dit-on tout aussi prêts du public… Je n’en doute presque pas ! mais fallait-il brader ce chapiteau et casser cette utopie vivante concrète vécue par un grand nombre, ce sont sachons-le seulement quelques décideurs qui se prétendent aussi poètes ! qui en ont décidés autrement ! Voilà comment l’histoire chaque jour recommence, quelques petit projets sur le papier font miroiter une fois de plus que le théâtre continue et se met à la portée du (tout tout) public !

Il existe des milliers de façons de rassembler  les artistes, de leur faire vivre leur passion et surtout de leur faire partager. Cette « Scène Ouverte » pour laquelle j’étais engagé n’était qu’une exploration de plus. Le Centre Dramatique  en a créé d’autres les quelques années qui ont suivies, différentes, elles sont je le sais, là aussi, empruntes de forts souvenirs pour les participants.

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